La pathologie à point de départ dentaire est multiple et se traduit souvent par des complications infectieuses, locales, régionales ou générales.
Le point de départ en est soit une inclusion dentaire compliquée, le plus souvent au niveau de la dent de sagesse inférieure, soit une pathologie propre de l’organe dentaire par carie ou parodontopathie.
La fréquence de ces complications infectieuses pose un véritable problème de santé publique d’autant plus inacceptable qu’une prévention efficace est possible.
1) Accident d’évolution des dents de sagesse inférieures :
Les dents de sagesse inférieures (38 et 48) apparaissent à l’état de germe en cours de croissance et font théoriquement leur éruption en fin de croissance en arrière des deuxièmes molaires définitives.
Il est fréquent que cette éruption ne se fasse pas, la dent restant alors incluse soit par anomalie de position (dent horizontale) soit par manque de place sur l’arcade du fait d’un encombrement dentaire (dysharmonie dento-maxillaire).
L’éruption peut être incomplète ou particulièrement longue : la dent est alors en désinclusion, partiellement recouverte par son sac péri-coronaire qui peut être source de réactions inflammatoires plus ou moins importantes (péricoronarite).
La symptomatologie liée à l’évolution de ces dents de sagesse peut être très variable :
- découverte fortuite sur une radiographie panoramique d’une dent incluse dont l’extraction n’est pas justifiée en l’absence de symptomatologie
- déplacement mécanique des dents de l’arcade mandibulaire secondaire à la poussée postérieure provoquée par l’éruption de la dent. Ces déplacements parfois minimes peuvent provoquer des troubles occlusaux qui peuvent être à l’origine d’une dysfonction des articulations temporo-mandibulaires. Il n’est pas toujours évident de rattacher ce type de complications à une dent de sagesse incluse. L’extraction de principe des germes des dents de sagesse après traitement orthodontique met à l’abri de ce problème.
- complications tumorales : apparition d’un kyste corono-dentaire développé aux dépens du sac péri-coronaire de la dent de sagesse
- complications nerveuses : douleurs de type névralgique, en fait très exceptionnelles
- complications iatrogènes secondaires à une extraction de dent de sagesse mandibulaire : névralgies du nerf alvéolaire inférieur et/ou du nerf lingual, fracture pathologique de l’angle mandibulaire
- les complications infectieuses représentent l’essentiel des accidents d’évolution des dents de sagesse :
· simple péricoronarite avec inflammation au niveau du trigone rétro-molaire du capuchon muqueux à l’origine de douleurs et de trismus
· gingivo-stomatite plus ou moins diffuse, parfois localisée à l’hémi-arcade mandibulaire
· cellulite péri-maxillaire ayant pour point de départ la péricoronarite
Dans tous ces cas, l’extraction de la dent causale sera indispensable.
2) Maladies de l’organe dentaire :
L’atteinte pathologique de l’organe dentaire peut se faire :
- soit au niveau des tissus durs de la dent par destruction progressive de dehors en dedans de l’émail, de la dentine et du cément : carie dentaire
- soit par résorption lente des tissus de soutien de la dent (ou parodonte) qui aboutira à la perte partielle ou totale de la denture : parodonthopatie
Ces deux pathologies parfois intriquées relèvent de mécanismes physiopathologiques complexes faisant intervenir des agents bactériens, des facteurs métaboliques (sucres lents, hypovitaminose, grossesse), des facteurs salivaires (xérostomie post-radique), des facteurs toxiques, et des facteurs héréditaires.
Une mauvaise hygiène bucco-dentaire est fréquemment associée.
a) – la carie dentaire :
- à la carie de l’émail (1er degré) asymptomatique, succède la carie dentinaire (2ème degré) à l’origine d’une dentinite : douleurs provoquées
- la pulpite (3ème degré) provoque une douleur spontanée parfois violente ("rage de dents") : irradiation, caractère intermittent, signes réflexes associés, caractère pulsatile. La nécrose pulpaire sera l’évolution inéluctable, en l’absence de traitement elle aboutira au stade post-carieux (4ème degré) qui est celui des complications locales, loco-régionales et à distance.
La complication locale la plus habituelle est l’apparition d’un granulome apical souvent asymptomatique, parfois à l’origine d’une mono-arthrite apicale (douleurs spontanées, dent légèrement mobile, douloureuse à la percussion, élargissement ligamentaire sur une radio rétro-alvéolaire).
Les complications régionales sont les cellulites, les sinusites et les ostéites.
Les complications générales sont essentiellement cardio-vasculaires (endocardites infectieuses chez des patients valvulaires ou porteurs d’une malformation congénitale). D’autres atteintes générales de nature inflammatoire ont été décrites : manifestations articulaire, rénale, oculaire, cutanée… dans tous ces cas, la mise en état bucco-dentaire fait partie de la démarche thérapeutique.
b) Parodontopathie :
Le syndrome parodontal se manifeste par :
- cliniquement :
· Des gingivites oedèmateuses avec gingivorragies au brossage
· La récession gingivale associée à une dénudation radiculaire est très caractéristique
· L’évolution se fait vers la mobilité dentaire avec perte prématurée de la dent
· L’apparition d’une poche parodontale signe la surinfection locale pouvant évoluer vers l’abcès gingival (parulie)
- radiologiquement : on retrouve une lyse progressive de l’os alvéolaire avec disparition du septum inter – dentaire
- sur le plan thérapeutique, les possibilités sont réduites (chirurgie parodontale) et le traitement préventif est le plus efficace.
3) Cellulite péri – maxillaire d’origine dentaire :
Il s’agit d’une infection plus ou moins circonscrite des tissus mous péri -maxillaires par des germes d’origine bucco-dentaire.
a) Etiologie
Les cellulites compliquent le plus souvent une nécrose pulpaire, l’infection diffusant à travers l’os alvéolaire pour gagner les régions sous – périostées et au-delà les loges musculaires ou graisseuses.
D’autres causes dentaires sont possibles : complications de parodontopathie, évolution de péri coronarite.
Des causes non – dentaires peuvent donner des tableaux équivalents : fracture, ostéite, infection de kyste…
b) Clinique
- le stade oedémateux associe douleurs, tuméfaction inflammatoire sous-muqueuse et sous-cutanée, trismus modéré
- le stade suppuré est très caractéristique : douleurs continues avec trismus, signes généraux, tuméfaction volumineuse gardant le godet adhérente au plan profond
- l’évolution se fait le plus souvent vers la fistulisation spontanée qui pourra précéder le passage à la chronicité
c) Formes topographiques
Elles sont très nombreuses et dépendent de la localisation de l’apex dentaire par rapport aux corticales osseuses et aux insertions musculaires.
Schématiquement, on peut distinguer
. à la mandibule les formes vestibulaire, temporo – massétérin, pelvi -buccale sus et sous – mylo hyoïdienne, sous -mandibulaire
. au maxillaire les formes palatine, jugale et orbitaire lorsque la dent causale est la canine ou la prémolaire.
d) Diagnostic :
L’origine dentaire est confirmée par l’examen clinique (antécédents, découverte d’une dent mortifiée). Cet examen est difficile en cas de trismus.
Dans tous les cas la radiographie, indispensable, confirme la pathologie apico-dentaire ou l’existence d’une dent de sagesse en désinclusion.
Il est habituellement aisé d’éliminer un phlégmon sous-mandibulaire, une pathologie d’origine salivaire (sous-mandibulite), une ostéite.
e) Evolution :
- fistulisation ou chronicisation avec persistance d’un nodule sous-cutané
- aggravation des signes locaux et généraux en particulier sur des terrains favorisants (diabète, baisse de l’immunité)
- diffusion réalisant une cellulite faciale associant des signes loco-régionaux (infiltration pelviglosse, infiltration cervicale), et des signes généraux de type choc septique. L’évolution peut être fatale en l’absence de traitement rapidement bien conduit.
f) Traitement :
- traitement médical : il repose sur une antibiothérapie (en l’absence d’allergie : acide clavulanique). Un traitement anti-inflammatoire ne sera jamais prescrit de manière isolée. La pose d’une vessie de glace est un excellent complément antalgique et anti-inflammatoire
- le traitement chirurgical sera, dans les cas simples (cellulite oedémateuse), l’extraction de la dent causale sous anesthésie locale. Dans les cas compliqués, une anesthésie générale est indispensable permettant l’évacuation, le lavage et le drainage de l’abcès par voie cutanée et/ou vestibulaire ainsi que l’extraction de la ou des dents causales.
4) Sinusite maxillaire d’origine dentaire :
Les dents "sinusiennes" sont la première molaire, la deuxième prémolaire, plus rarement la deuxième molaire et la première prémolaire supérieures.
Leur apex est en contact intime avec la muqueuse du plancher sinusien et une infection apicale pourra se propager à travers l’os alvéolaire à la muqueuse sinusienne.
a) Diagnostic :
Il s’agit d’une sinusite unilatérale, purulente, récidivante.
L’examen clinique retrouve du pus dans le méat moyen et permet souvent d’identifier la dent causale.
Un examen radiologique (radiographie panoramique, incidence sinusienne) montre soit une opacité complète du sinus avec ou sans niveau liquide soit une image en cadre traduisant un épaississement de la muqueuse sinusienne.
L’origine dentaire est confirmée radiologiquement.
b) Formes étiologiques :
- dent mortifiée : c’est la cause la plus fréquente
- origine iatrogène : refoulement intra-sinusien d’une racine d’une dent lors d’une extraction difficile, dépassement apical lors d’un traitement dentaire avec projection de pâte à canaux dans le sinus qui réalise une image radio-opaque du bas-fond sinusien très caractéristique. C’est dans ce cas qu’est décrite l’aspergillose sinusienne.
c) Communication bucco – sinusienne :
Il s’agit le plus souvent d’une complication post-extractionnelle réalisant une communication entre la cavité orale et la cavité sinusienne (passage aérien et liquidien).
Une sinusite chronique complique habituellement ce tableau.
d) Diagnostic différentiel :
- cellulite génienne
- sinusite d’origine rhinologique (sinusite bilatérale, terrain allergique…)
- cancer du sinus maxillaire (épistaxis, ostéolyse radiologique justifiant la pratique d’un examen scannographie)
e) Traitement :
- de la cause dentaire : il s’agira le plus souvent d’une extraction
- de la sinusite : drainage sinusien par voie nasale et/ou vestibulaire (intervention de Caldwell – Luc)
Dans tous les cas, une antibiothérapie sera associée.
5) Ostéite des maxillaires :
L’infection osseuse de la mandibule ou plus rarement du maxillaire survient le plus souvent chez l’adulte jeune à la suite d’une infection apicale d’une molaire mandibulaire.
L’ostéo -myélite hématogène est exceptionnelle et se rencontre surtout chez le petit enfant.
a) Ostéite circonscrite :
Alvéolite post-extraction : quelques jours après l’extraction d’une molaire survient une douleur très violente de l’alvéole qui est le plus souvent sèche, parfois comblée par un bourgeon charnu inflammatoire.
La recherche d’un petit séquestre osseux ou d’une racine oubliée par un examen radiologique sera systématique. Dans ce cas, une révision alvéolaire sera nécessaire en complément du traitement médical.
b) Ostéite diffuse de la mandibule :
Le tableau clinique associe douleurs mandibulaires souvent irradiées (otalgies, syndrome général modéré, tuméfaction mandibulaire douloureuse). Il existe très souvent une anesthésie labio -mentonnière (signe de Vincent).
Sur le plan radiologique, l’origine dentaire est plus ou moins évidente (la dent a pû être extraite). Il existe une modification de la trame osseuse qui apparaît gommée. A un stade plus avancé, un séquestre osseux pourra être observé.
Une scintigraphie confirmera le diagnostic en montrant une fixation très intense aux temps précoces et tardifs.
c) Evolution :
La chronicisation est la règle en l’absence de traitement parfaitement adapté. L’ostéite évolue alors au long cours avec des poussées inflammatoires régulières séparées d’un intervalle libre plus ou moins asymptomatique.
L’image radiologique est de plus en plus évidente avec l’apparition d’un ou plusieurs séquestres qui peuvent parfois s’extérioriser.
d) Formes cliniques :
- ostéite traumatique : fracture mobile non traitée ou infection après ostéosynthèse
- ostéite nécrosante d’origine iatrogène secondaire à un traitement dévitalisant à base d’Anhydride arsénieux, à l’origine d’un volumineux séquestre dento-alvéolaire
- ostéoradionécrose : cf chapitre cancérologie
- ostéite tuberculeuse : exceptionnelle
e) Traitement :
- traitement étiologique : extraction de la dent causale, révision du foyer alvéolaire, contention ou nouvelle ostéosynthèse en cas d’ostéite traumatique…
- traitement médical : il repose sur une antibiothérapie au long cours si possible adaptée d’après un antibiogramme. Ce dernier n’est pas toujours possible et une antibiothérapie probabiliste sera alors mise en route (PYOSTACINE pendant trois à six mois)
- traitement chirurgical : ablation des séquestres, décortication de la table externe de la mandibule.
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