Obturations des cavités de classe V Généralités
Le diagnostic des caries de classe V est relativement aisé. Par contre leur traitement et le choix dumatériau de restauration restent délicats du fait de la position particulière de ces lésions.
Définition
Black a décrit les caries de classe V comme les caries du tiers cervical de toutes les dents.
Localisation
C’est une carie du collet, située entre le bombé cervical et le sulcus gingival .
La face vestibulaire est la plus touchée, et plus rarement les faces linguales ou palatines .
Suivant l’état parodontal du patient, la lésion est :
- sus-gingivale ;
- juxtagingivale ;
- sous-gingivale .
En cas de récession gingivale, l’atteinte carieuse peut débuter sous le collet anatomique ou à cheval
sur les tissus coronaires et radiculaires. La carie est alors :
- coronaire ;
- coronoradiculaire ;
- radiculaire .
Aspects et évolution
La carie a généralement une allure linéaire, allongée dans le sens mésiodistal .
Elle évolue plus en superficie qu’en profondeur.
Les caries radiculaires s’étendent plus rapidement que les coronaires du fait de la faible résistance du
cément moins minéralisé que l’émail.
A cause de cette différence de composition, la flore bactérienne de ces deux types de caries de
classe V ne serait pas la même
.
Chez les adultes, la prévalence des caries coronaires régresse. Mais le relais est pris par les caries
du collet, influencées notamment par la récession gingivale.
Les caries de classe V sont favorisées par certains facteurs :
- une mauvaise hygiène buccodentaire ;
- une alimentation déséquilibrée ;
- une dénudation radiculaire ;
- une hyposialie ;
- des crochets de prothèse amovible mal conçus, provoquant une usure de l’émail et des zones de
rétention de plaque dentaire ;
- un traitement orthodontique intempestif ;
- des dysplasies amélodentinaires
;
- l’alcoolisme et la toxicomanie : les polycaries du collet sont le signe pathognomonique d’une
toxicomanie de plusieurs années
.
Une étude épidémiologique
a permis de faire ressortir plusieurs points :
- le profil type du patient présentant une telle pathologie est une personne de 40 ans ou plus, plus
souvent un homme qu’une femme ;
- la fréquence des lésions sus-gingivales et juxtagingivales est identique mais dépassée par celle des
lésions sous-gingivales ;
- le groupe incisivocanin est le plus touché, notamment au maxillaire et les prémolaires et les
molaires les plus concernées sont mandibulaires.
Les caries coronoradiculaires sont en général indolores. Ce silence clinique est dû au caractère
chronique de la lésion. Ce sont souvent des caries à évolution lente, autorisant la rétraction pulpaire
par formation de dentine tertiaire.
Diagnostic différentiel avec les érosions cervicales
Les caries de classe V et les érosions cervicales (ou mylolyses) ont la même localisation : le tiers
cervical . Les thérapeutiques de ces lésions présentent de ce fait certaines analogies.
Les deux pathologies sont parfois associées dans une même bouche. Mais leur étiologie et surtout
leur aspect les distinguent.
L’étiologie des mylolyses est très controversée. Son origine générale (dystrophie de l’émail, pH
salivaire…) ou locale (brossage trop énergique, horizontal, avec une brosse à poils durs associé à un
dentifrice abrasif ou une malocclusion) n’a pas été clairement définie
.
Les érosions cervicales ont la forme d’une encoche, dièdre à deux versants, plus ou moins ouverts,
dirigés respectivement vers la couronne et vers la racine. Les arêtes sont vives, le fond est jaune ou
brun, dur, lisse et brillant .
Réalisation des cavités de classe V
Nettoyage de la zone opératoire
Cette étape permet de bien visualiser la lésion et d’opérer dans une zone exempte de dépôts
éventuels.
Elle est réalisée à l’aide d’une brossette en Nylon® enduite de pierre ponce .
Il est préférable d’éviter :
- les cupules en caoutchouc dont le passage peut laisser des traces sur la surface dentaire ;
- les pâtes fluorées ou grasses qui perturberaient le mordançage de l’émail lors de restaurations par
des résines composites.
Certains auteurs préconisent l’application du chloroforme sur la dent afin de dissoudre les graisses et
produits gommeux (mucines) et de faciliter le travail des instruments rotatifs.
Tests de vitalité pulpaire
Il est indispensable de vérifier la vitalité pulpaire. Ce geste assure la confirmation du diagnostic et du
futur traitement.
Radiographie
Un cliché radiographique ne peut pas renseigner sur la profondeur de la carie et de sa distance par
rapport à la pulpe du fait de la superposition des images de la lésion et de la cavité pulpaire. Cette
étape est donc inutile .
Anesthésie préopératoire
La carie de classe V se développe dans une zone de dentine relativement peu épaisse
et juste en
regard de la pulpe. Aussi une anesthésie préalable aux soins est souvent utile du fait de l’extrême
sensibilité du collet.
Traitement gingival
La gencive en regard de la carie, juxta- ou sous-gingivale, peut être enflammée, bourgeonnante et
envahir la lésion. En fonction de l’état parodontal, une éviction gingivale, temporaire ou définitive peut
se pratiquer à l’aide de moyens mécaniques (pose d’un champ opératoire et matrices),
mécanochimiques (fil de rétraction imprégné d’une substance astringente), chirurgicaux (chirurgie
parodontale).
Champ opératoire
Sa présence est indispensable, surtout en cas de restauration collée. Son objectif est multiple
,
:
- obtention de l’isolation buccale ;
- assurer la sécurité de la zone d’intervention ;
- améliorer les conditions d’asepsie de la zone de travail ;
- dégager les limites de la cavité lors de sa préparation et de sa restauration.
- Plusieurs moyens sont mis à notre disposition.
Digue caoutchoutée classique
Elle englobe la dent lésée ainsi que 3 ou 4 dents de part et d’autre. Deux crampons enserrant les
dents les plus extrêmes la maintiennent en place. L’herméticité et la rétraction gingivale sont
améliorées par des ligatures en fil de soie non cirée ou des coins de bois entre les dents
intermédiaires. Parfois, un crampon dit " rétracteur gingival " (" brincker " d’Hygenic) placé
directement sur la dent lésée dégage bien la carie
.
C’est le procédé le plus efficace contre l’humidité buccale. Il est recommandé pour le maxillaire et
chez les patients à respiration buccale. Malheureusement, sa mise en place est souvent délicate lors
des caries de classe V.
Mini-digue de Hawe
Caoutchouc épais, préformé et perforé, il isole 3 à 4 dents. Il est maintenu par des ligatures qui
Caoutchouc épais, préformé et perforé, il isole 3 à 4 dents. Il est maintenu par des ligatures qui
assurent la rétraction gingivale.
Très pratique et facile à manipuler, ce système est réservé au secteur antérieur maxillaire.
Quickdam : la digue " éclair "
C’est un caoutchouc maintenu tendu par un cadre élastique intégré. Ce modèle est perforé puis
introduit par déformation du cadre dans la cavité buccale.
Son efficacité le rapproche de la digue classique et il est indiqué pour les secteurs postérieurs et
antérieurs.
Contour-ship
C’est une bande de matrice celluloïde prédécoupée, très fine. Insérée dans le sulcus et bloquée au
niveau proximal par des pellets de coton, des mini-éponges ou des coins de bois, il réalise un champ
opératoire limité à une dent. L’étanchéité est assurée par quelques gouttes de résine
photopolymérisable étalée à l’extérieur du strip, en cervical.
Sa position sulculaire est bien appropriée aux restaurations de classe V lorsque la pose de la digue
s’avère trop " délicate ".
Eviction de la lésion carieuse
En général, ce sont des caries déjà bien ouvertes. L’émail non soutenu restant est éliminé par une
fraise boule ou cylindrique, diamantée, à grande vitesse .
Le curetage de la dentine cariée s’effectue ensuite avec une fraise boule en carbure de tungstène, à
vitesse lente.
Le contrôle et la finition sont réalisés à l’excavateur.
Mise en forme de la cavité
Forme de contour
C’est une ligne courbe continue qui entoure la carie :
- le bord occlusal est parallèle à la ligne de plus grand contour coronaire ;
- les bords proximaux sont parallèles aux parois proximales ;
- le bord cervical est parallèle au bord cervical de la dent.
Ce bord cervical ne doit pas correspondre avec le collet physiologique mais se situer en deçà ou au-
delà ; car cette partie est une zone d’accumulation de plaque dentaire et donc favorable aux récidives
de carie .
La forme de contour est plus ou moins accentuée selon l’anatomie de la dent considérée .
Fond
Il est parallèle à la surface dentaire :
- convexe dans le sens mésiodistal ;
- plat ou convexe, selon la largeur de la préparation, dans le sens cervico-occlusal.
Cette convexité permet le respect de l’intégrité pulpaire . On peut aussi, lors de caries
profondes, réaliser des fonds en gradins de plusieurs niveaux.
Parois
Parois
Chacune est perpendiculaire à un plan tangent à la surface dentaire (fig. 26). Les parois proximales
sont de dépouille.
Les angles de raccord entre le fond et les parois sont arrondis.
Rétentions
Elles sont indispensables car la préparation est souvent plus large que profonde. Ce sont :
- des contre-dépouilles au détriment des parois occlusales et cervicales ;
- des encoches : deux cervicales et une occlusale ;
- des puits " holes " dentinaires en M et D du fond pulpaire ;
- des tenons dentinaires ;
- le mordançage acide de l’émail biseauté pour les résines composites
.
Seules les préparations pour les restaurations aux ionomères de verre échappent à cette règle.
Extension prophylactique
Elle permet de réduire le risque de récidive de carie et ne trouve d’indication pour les préparations de
classe V que chez des patients présentant une hygiène buccodentaire défectueuse.
La préparation est alors étendue aux " angles " de la région cervicale que forme la face vestibulaire
avec les faces proximales.
L’extension peut être aussi envisagée vers le sulcus gingival si cette région est atteinte par la lésion
carieuse
.
Traitement de la plaie dentinopulpaire
Il consiste à protéger les tissus dentinopulpaires et permettre leur cicatrisation.
Ses modalités dépendent de la présence de dentine réactionnelle et de la profondeur de la carie.
Lors d’une carie à évolution rapide, il ne se forme pas de dentine réactionnelle. Un coiffage dentinaire
est nécessaire à la reprise de la dentinogenèse. De l’hydroxyde de calcium est placé au contact de la
dentine puis recouvert d’une obturation provisoire. La restauration définitive ne sera posée qu’au bout
de six à sept semaines
après avoir testé la vitalité pulpaire.
En cas de carie à évolution lente, la présence de dentine réactionnelle autorise la restauration
définitive immédiate de la dent. Un fond de cavité isolera la plaie dentinopulpaire du matériau de
restauration. Il sera adapté à la profondeur de la préparation et n’interférera pas avec l’herméticité de
la restauration et les propriétés physicochimiques du matériau.
Incidences de la restauration de classe V sur la physiologie du tiers cervical
La morphologie de cette région correspond à la fonction première de la dent : la mastication
.
L’anatomie des faces vestibulaires favorise un effet déflecteur des aliments qui sont dirigés
directement vers la face externe de la gencive et le fond du vestibule.
Ce bombé cervical se trouve à la jonction du tiers médian et du tiers cervical. La valeur du surplomb
doit correspondre à la moitié de l’épaisseur gingivale au niveau de son attache épithéliale . Si
la restauration du bombé est trop prononcée, la plaque dentaire s’accumulera en dessous, dans une
zone appelée : " le triangle de stase " (fig. 29).
Si le bombé est trop plat, les aliments risquent de traumatiser l’attache épithéliale gingivale.
Dans les deux cas, le parodonte est blessé même si un sous-contours s’avère mieux toléré qu’un sur-
contours.
D’autre part, toute inclusion de matériau de restauration dans le sulcus représente une agression
parodontale. Une mise en place soigneuse de notre restauration permet d’éviter cet incident ainsi
qu’une bonne adaptation cervicale à l’aide de matrices.
Choix du matériau de restauration
Il se fait en fonction :
- du cas clinique : de la situation de la carie, de sa profondeur et du type de rétention possible ;
- de la situation de la dent malade sur l’arcade : son degré de visibilité est plus faible en direction des
dents postérieures et il dépend de l’amplitude de découverte dentaire lors de l’ouverture buccale et
du sourire ;
- des critères esthétiques du patient…
L’amalgame reste indiqué pour les dents postérieures et inférieures grâce à ses propriétés
physicochimiques qui lui confèrent une bonne tolérance tissulaire.
Les résines composites sont utilisées lors de préparations sur dents antérieures et de faible
profondeur. Leur esthétique est incontestable mais le problème de leur biocompatibilité n’est
pas totalement résolu. Enfin, les nécessités techniques, qui imposent une siccité très stricte lors de
leur manipulation, contre-indiquent leur emploi en cas de situation trop sous-gingivale .
Les ciments aux ionomères de verre trouvent leur indication dans tous les cas de figure. Ils restent
néanmoins moins esthétiques que les résines composites au niveau du secteur maxillaire antérieur
du fait de leur manque de translucidité.
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